France : le premier CPPA multi-acheteurs vient d’être signé, porté par LCL, avec Voltalia
France : le premier CPPA multi-acheteurs vient d’être signé, porté par LCL, avec Voltalia
LCL et dix entreprises, clientes de la banque, ont signé un CPPA de 20 ans avec Voltalia, portant sur la production d’une nouvelle centrale solaire photovoltaïque de 56 MW. L’installation sera construite dans le sud de la France et devrait entrer en service fin 2023. Le projet avait été lancé en octobre 2020 avec l’objectif de permettre à des acteurs autres que les Gafam et les grands monopoles publics d’accéder à des contrats directs avec des producteurs ENR. Filiale du Crédit Agricole, LCL est positionnée notamment sur le segment des ETI et des PME. Son objectif est « d’être la banque urbaine de référence d’une ETI sur deux et d’une PME sur trois ».
Cet accord est très probablement le tout premier CPPA multi-acheteurs signé en Europe. LCL est à la fois partenaire et garant. « Nous avons pris une part un peu moins importante que ce qu’on voulait au départ pour laisser la place à nos partenaires, mais nous en avons pris une part significative », a indiqué Olivier Nicolas, membre du comex, en charge notamment du marché des entreprises et de la RSE, à un groupe de journalistes, le 6 décembre. En outre, LCL garantirait la continuité de l’achat si l’un des partenaires faisait défaut.
Les dix partenaires ont des profils très divers, mais ce sont plutôt des grandes entreprises, souvent familiales : Air France, Bonduelle, Daco Bello (agroalimentaire), Groupe Fournier (fabrication et vente de meubles), Gerflor (fabrication et vente de revêtements de sol souples), Isigny-Sainte-Mère (agroalimentaire), Laiterie de Saint-Denis de l’Hôtel, Menissez (boulangerie industrielle), Paprec (groupe spécialisé dans le recyclage) et Serge Ferrari (conception et fabrication de toiles composites). Leur engagement porte, selon les cas, sur 5 à 15 % des volumes. Cela représente autour de 10 % des besoins de la plupart d’entre elles. Les conditions contractuelles et économiques sont les mêmes pour tous les acheteurs. Le prix est fixe et stable pendant 20 ans.
La plupart de ces acteurs étaient déjà engagés dans une démarche de réduction de leur empreinte carbone et pour certains de verdissement de leur électricité. Romain Manvieu, secrétaire général du groupe Isigny-Saint- Mère, et Benoît Aubry, son directeur financier, ont expliqué à EUROP’ENERGIES avoir installé depuis plus de dix ans une chaudière à bois sur leur site. L’accord avec LCL et Voltalia leur a permis d’avoir accès à un contrat requérant une « forte compétence technique ». Dans la même veine, le groupe Fournier, basé depuis 115 ans en Haute-Savoie, tient à préserver son environnement montagnard et se chauffe par exemple avec ses déchets. Ainsi, « la proposition de LCL a été l’occasion pour nous d’aller plus loin dans cette démarche », précise Pierre Fournier Bidoz, président de la holding actionnaire majoritaire du groupe Fournier. La société consomme environ 20 GWh/an au total et a réservé environ 4 % de la production dans le cadre du CPPA.
Pour nombre des partenaires, même les plus importants, ces contrats de long terme sont une grande première. « Nous ne connaissions pas du tout ce type de contrats. Notre direction est maintenant convaincue qu’ils font partie des solutions du futur. Dans le contexte de marché actuel, la politique d’achat tend vers une plus grande sécurisation », explique ainsi Denis Mauffré, référent Energie d’Air France. Le groupe consomme 170 GWh/an d’électricité et devrait couvrir environ 7 % de ses besoins via le CPPA. Paprec, un groupe spécialisé dans le recyclage, est le plus gros partenaire puisqu’il a réservé 15 % de la production. Il consomme environ 150 GWh/an d’électricité en France. Il a aussi découvert les CPPA. « Le principal enjeu pour nous était d’avoir une visibilité sur les prix et de diversifier les sources d’approvisionnement pour refléter le mix de production national », indique Sébastien Petithuguenin, directeur général du groupe. Il est aujourd’hui « prêt à regarder, seul ou à plusieurs, si d’autres contrats directs se présentent ».
Pour certains partenaires, la proposition est tombée à point nommé. Jusqu’à ce que LCL approche la direction de Serge Ferrari, le groupe avait mis en stand-by ses projets d’achat d’électricité verte : « Nous considérons la compensation carbone comme du greenwashing et le système des garanties d’origine a un impact trop limité. Notre volume de consommation n’était pas suffisant pour un CPPA », a expliqué François Bigo, l’acheteur d’énergie du fabricant de toiles. La société consomme environ 18 GWh/an d’électricité en France et le CPPA avec Voltalia va représenter environ 10 % de ses besoins. Pour Bonduelle, le contrat doit lui permettre d’avancer vers la certification B-Corp. « Il était de notre responsabilité de nous engager. De nature, nous sommes ancrés dans le long terme », a indiqué Bruno Vandecastèle, directeur technique du groupe.
Une exception : Gerflor, qui a signé deux CPPA en l’espace de deux semaines. Un contrat, en Allemagne, doit lui permettre de couvrir 30 % des besoins d’un de ses sites. Le contrat avec Voltalia représente environ 10 % de ses consommations en France. « Nous achetons de l’électricité verte depuis 5 ans. Nous cherchions également à nous couvrir à long terme », explique Benoît Lahalle, acheteur d’énergie de Gerflor.
La garantie apportée par LCL a rassuré tous ces acheteurs et surtout les directions des entreprises. Paprec souligne également le fait que « LCL a ouvert son carnet d’adresses et ainsi permis de créer un écosystème d’entreprises ». La banque se sent une âme de « défricheur ». S’il n’y a pas de projet concret pour relancer une telle opération pour le moment, Olivier Nicolas est convaincu que ce type de dispositifs est voué à se développer. « L’appétence est là, mais toutes les sociétés n’ont pas encore la maturité pour se lancer », estime-t-il. Laurent Pillot, Head of Energy Management de Voltalia, confirme : « La demande est très forte en ce moment ». Pour le développeur et producteur ENR, ce projet a représenté un investissement important en termes de temps et d’effectifs. Il a fallu organiser de nombreuses réunions (non physiques, vu le contexte sanitaire) et déployer « beaucoup de pédagogie ». Son objectif est donc de rentabiliser ces efforts et de reproduire l’opération, avec LCL ou avec d’autres partenaires.